Travaux communautaires: Jardin et droits de l'Homme
Chaque année au printemps vient réapparaitre une question insoluble: qui ou quoi mettre dans mon jardin?
Mon livre « ABC du savoir-vivre » ne m'est d'aucun secours et mon hésitation m'empêche d'instaurer une règle sur laquelle me fonder.
Un jardin est fait pour des fleurs à la limite des légumes lorsqu'on est en veine d'originalité.
Malheureusement chaque année, au 31 Mars, notre rue fleurit de sans-abris.
Mon amie Violette Potimarron suppose qu'il s'agit de personnes avec un sens de l'esthétique particulier. Mais je m'interroge sur le désir de ces personnes de vivre à même le sol dans des conditions d'hygiène et de confort déplorables. Ne parlons pas de la promiscuité et des habitudes de vie autorisant l'absorption de liqueur dès potron-minet.
J'avoue cependant que l'absence de sanitaire me pousserait moi aussi vers la boisson.
Ainsi pouvons-nous laisser ces personnes vivre dehors sans aucune hygiène ? Malgré mes différentes lettres les pouvoirs publics ne réagissent pas. Il semblerait que le beau temps inciterait à autoriser et fermer les yeux sur la misère humaine.
Ainsi chaque année, je ne sais que faire ; dois-je replanter des pétunias ou accueillir quelques personnes dans mon jardin? Dois-je construire une douche supplémentaire ou un réservoir d'eau de pluie pour mes fleurs?
J'ai été élevée avec une certaine idée de l'Homme. Je vis selon l'idée que la méconnaissance et le mépris des droits de l'Homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l'humanité et que l'avènement d'un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l'homme.
Peut-être que c'est cette pensée que je veux voir pousser dans mon jardin.
Alors dois-je repiquer mes plantes ou replanter quelques âmes humaines?
Mademoiselle Bournabelle Potimarron